Afrique, SIGE

Intégration des données d’évaluation de l’apprentissage dans les SIGE : une initiative à venir visant à renforcer les systèmes de données sur l’éducation en Afrique par les pôles KIX Afrique 21 et KIX Afrique 19

Sur tout le continent africain, les discussions sur la réforme de l’éducation se concentrent de plus en plus sur une question clé : le besoin urgent de données fiables, actualisées et exploitables pour éclairer les décisions. Si de nombreux pays africains ont réalisé des progrès remarquables dans le renforcement de leurs systèmes nationaux d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE), l’intégration des données d’évaluation des apprentissages dans les SIGE reste incomplète et incohérente. Cette lacune limite la capacité des décideurs politiques à savoir non seulement combien d’enfants sont scolarisés, mais surtout dans quelle mesure ils apprennent.

En réponse, un nouveau partenariat stratégique est en train de voir le jour entre les deux pôles africains du GPE KIX, KIX Afrique 19 et KIX Afrique 21, afin d’aider les pays partenaires du GPE à intégrer directement les indicateurs d’évaluation de l’apprentissage dans leurs plateformes nationales SIGE, renforçant ainsi la prise de décision fondée sur les données à travers le continent. La mise en œuvre de cette initiative sera soutenue à la fois par l’UA-IPED, l’organe technique spécialisé de l’Union africaine dans le domaine de l’éducation, et membre du consortium facilitant le KIX Afrique 19, ainsi que par le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC), une initiative durable et reconnue en matière d’évaluation de l’apprentissage, qui fonctionne depuis 1991 sous l’égide de la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie (CONFEMEN), également membre du consortium du KIX Afrique 21.

Ce partenariat est particulièrement bien placé pour accélérer les progrès vers la réalisation de l’ODD 4, la Stratégie continentale pour l’éducation en Afrique (CESA) 16-25 et 26-35, et l’Agenda 2063. Il s’appuie également sur les enseignements tirés des précédentes sessions de formation KIX sur l’évaluation de l’apprentissage et les SIGE, organisées par le KIX Afrique 19 par l’intermédiaire de la Commission de l’Union africaine, au cours desquelles les pays ont souligné à plusieurs reprises les limites causées par la fragmentation des systèmes de données, l’inaccessibilité des résultats d’apprentissage et l’insuffisance de la coordination entre les unités SIGE et les organismes d’évaluation.

Pourquoi l’intégration est plus importante que jamais

©PASEC-CONFEMEN

Les structures SIGE traditionnelles ont été conçues principalement pour suivre les intrants scolaires, c’est-à-dire les inscriptions, les enseignants, les infrastructures, les manuels scolaires et les finances. Bien qu’essentiels, ces indicateurs ne suffisent pas à eux seuls à expliquer pourquoi les niveaux d’apprentissage dans de nombreux pays restent bien en deçà des attentes nationales et continentales.

Les données issues de l’évaluation des acquis scolaires, qu’elles soient générées par le PASEC, le SACMEQ, les évaluations nationales, les tests en classe ou les outils destinés aux premières années d’école tels que l’EGRA et l’EGMA, fournissent des informations sur les compétences en lecture, en écriture et en calcul, ainsi que sur les progrès scolaires au fil du temps. Pourtant, dans la plupart des pays africains :

  • les ensembles de données relatives à l’évaluation de l’apprentissage restent stockés dans des bases de données distinctes gérées par les conseils d’examen, les instituts chargés des programmes scolaires ou les projets financés par des bailleurs de fonds ;
  • les équipes nationales du SIGE reçoivent souvent les résultats des évaluations des acquis scolaires tardivement ou dans des formats difficiles à intégrer ;
  • toutes les variables d’évaluation ne correspondent pas aux identifiants du SIGE, ce qui rend difficile la cartographie au niveau des écoles ;
  • les responsables de l’élaboration des politiques n’utilisent pas systématiquement les résultats des évaluations des acquis scolaires, car ceux-ci ne sont pas intégrés dans les tableaux de bord, les annuaires statistiques ou les examens des performances du secteur.

Cette fragmentation conduit à une compréhension incomplète des performances des apprenants et réduit la capacité des ministères à suivre les progrès, à cibler les interventions ou à évaluer les écarts en matière d’équité.

En intégrant les ensembles de données d’évaluation de l’apprentissage dans les SIGE, les pays seront en mesure de dresser un tableau plus complet et plus précis de la qualité de leurs systèmes éducatifs, et de développer un SIGE qui recense non seulement les élèves scolarisés, mais aussi ce qu’ils apprennent et comment ils apprennent dans les différentes régions, selon leur sexe, leur milieu socio-économique et le type d’établissement scolaire.

Une opportunité continentale

La collaboration entre les deux pôles KIX Afrique 19 et KIX Afrique 21 rassemble l’UA-IPED, l’UNICEF-ESARO et l’UNESCO-IICBA (pour KIX Afrique 19) ainsi que l’AUF, la CONFEMEN, l’IFEF-OIF en qualité de chef de file (pour KIX Afrique 21), représentant une plateforme technique et politique inédite pour fournir aux pays les capacités et les ressources nécessaires pour améliorer leur SIGE. Chacun apporte des atouts spécifiques :

KIX Afrique 19 (UA-IPED, UNICEF-ESARO, UNESCO-IICBA) :

  • Mandat continental sur les normes, standards et évaluations par les pairs en matière de SIGE ;
  • Expérience avec les outils d’auto-évaluation SIGE, les tableaux de bord nationaux et les référentiels numériques ;
  • Engagement direct avec 19 pays anglophones ;
  • Direction du “KIX Data Challenge” et de la communauté de pratique sur l’intégration SIGE et l’évaluation des apprentissages.

KIX Afrique 21 (AUF, CONFEMEN, IFEF-OIF en qualité de chef de file) :

  • Un forum de dialogue politique solide qui couvre la plupart des pays africains francophones et lusophones ;
  • Une expertise approfondie dans la conception d’évaluations, les méthodologies d’échantillonnage et l’analyse de données grâce au PASEC ;
  • Des relations solides avec les pays d’Afrique francophones et lusophones et une expérience dans le renforcement des capacités en matière d’évaluation de l’apprentissage ;
  • Un leadership technique des enquêtes PASEC et des indicateurs fondamentaux d’apprentissage.

Ensemble, ces centres peuvent rapprocher des communautés techniques auparavant séparées, telles que les experts en systèmes d’information sur l’éducation (SIGE), les spécialistes de l’évaluation de l’apprentissage, les équipes TIC, les planificateurs et les statisticiens, dans le cadre d’un programme d’action commun.

Ce que propose le partenariat

©PASEC-CONFEMEN

Le partenariat se concentrera sur un ensemble de domaines d’appui coordonnés pour les pays africains :

1. Diagnostics nationaux sur l’intégration des SIGE et l’évaluation de l’apprentissage

Les pays bénéficieront d’un appui pour évaluer :

  • l’état actuel des flux de données sur l’évaluation de l’apprentissage,
  • la compatibilité des identifiants entre les SIGE et les systèmes d’évaluation,
  • les lacunes en matière d’infrastructure numérique,
  • les cadres politiques régissant le partage des données et la confidentialité.

Cela aidera les ministères à comprendre l’état de préparation de leurs systèmes et les mesures nécessaires pour intégrer les données d’évaluation de l’apprentissage.

2. Élaboration d’indicateurs harmonisés pour les SIGE en matière d’apprentissage

L’initiative soutiendra l’amélioration :

  • des indicateurs standardisés d’évaluation de l’apprentissage alignés sur le cadre d’indicateurs du CESA,
  • des spécifications des métadonnées pour l’intégration des SIGE,
  • des orientations sur le stockage et la visualisation des données d’évaluation de l’apprentissage dans des tableaux de bord.

Cette harmonisation permettra aux pays de communiquer des indicateurs d’apprentissage comparables à l’UA et à d’autres partenaires.

3. Assistance technique en matière d’intégration des données et d’infrastructure numérique

Grâce aux experts techniques de l’AU-IPED et du PASEC, les pays bénéficieront d’un soutien pour :

  • améliorer la qualité de leur SIGE en termes de contenu et de présentation,
  • cartographier les ensembles de données d’évaluation de l’apprentissage dans les bases de données SIGE,
  • créer des entrepôts de données sécurisés,
  • mettre en œuvre des règles de validation,
  • utiliser des outils open source pour les tableaux de bord et les rapports.

Cela permettra de réduire les doublons et d’améliorer la rentabilité.

4. Renforcement des capacités nationales et de la coordination

La formation conjointe s’adressera aux responsables des SIGE, aux unités d’évaluation, aux planificateurs, aux équipes chargées des programmes d’études et aux départements des TIC, afin de garantir que :

  • tous les acteurs comprennent leur rôle dans la production de données,
  • les équipes nationales puissent maintenir et mettre à jour les systèmes intégrés,
  • les unités SIGE puissent expliquer les résultats des évaluations de l’apprentissage et générer des informations utiles pour l’élaboration des politiques.

Avantages attendus pour les pays

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L’intégration des indicateurs d’évaluation de l’apprentissage dans les SIGE permettra :

1/ D’améliorer la planification et l’allocation des ressources
Les ministères pourront adapter les résultats d’apprentissage au déploiement des enseignants, aux conditions dans les salles de classe et au niveau des infrastructures scolaires.

2 / De renforcer le suivi de l’équité
Les écarts entre les sexes, les disparités entre les zones rurales et urbaines et l’inclusion des personnes handicapées pourront être suivis avec beaucoup plus de précision.

3/ Améliorer l’exploitabilité des résultats d’apprentissage
Les tableaux de bord SIGE présenteront les données d’évaluation de l’apprentissage sous une forme conviviale pour les districts, les écoles, les parlementaires et la société civile.

4/ Promouvoir des réponses politiques opportunes fondées sur des données probantes
Les ministères n’auront plus à attendre des années pour obtenir des rapports d’évaluation complexes avant de prendre des mesures.

5/ Soutenir la communication d’informations à l’échelle continentale
Les pays pourront facilement communiquer les indicateurs d’apprentissage à l’observatoire continental de l’UA et au cadre CESA 26-35.

6/ Renforcer la collaboration entre les unités EMIS et d’évaluation de l’apprentissage
Un système coordonné réduit les silos de données et crée une culture de responsabilité partagée.

Grâce à ce partenariat, les pays partenaires du GPE KIX en Afrique mettront en place des écosystèmes de données éducatives plus solides, plus intégrés et plus réactifs, rendant l’apprentissage visible, exploitable et central dans la réforme de l’éducation.

A propos de l’auteur :

Hilaire Hounkpodoté est coordinateur du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC) de la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie (CONFEMEN). Auparavant, il a occupé plusieurs postes, notamment celui de conseiller technique du PASEC et a travaillé dans plusieurs pays, comme chercheur associé à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar sur l’évaluation de l’apprentissage dans le cadre du programme Jangandoo et à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest sur la modélisation des chocs d’offre sur les économies. Il a également été directeur des études à l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE) au Bénin.

M. Hounkpodoté est ingénieur statisticien en économie, diplômé de l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ENSEA) d’Abidjan. Il termine actuellement une thèse de doctorat en sciences de l’éducation à l’Université de Genève.