Afrique, Union Africaine

Bilan du Symposium GPE-KIX 2024 : Quelles priorités pour les réflexions de politique éducative ?

Depuis plus de trois ans, le Symposium du GPE-KIX s’est imposé comme un rendez-vous incontournable pour les acteurs de l’éducation en Afrique, réunissant chercheurs, experts, décideurs et praticiens, provenant des gouvernements, des organisations internationales, des sociétés civiles, ainsi que des milieux académiques. Son importance réside dans sa capacité et son ambition à mettre en lumière, dans une logique collaborative et constructive, les défis complexes qui touchent les systèmes éducatifs du continent, tout en identifiant des pistes concrètes pour les surmonter.

Les principaux thèmes abordés par les acteurs clés de l’éducation à Addis-Abeba

Tenue du 20 au 22 novembre 2024, à Addis-Abeba, en Éthiopie, la troisième édition du Symposium du GPE KIX s’est déroulée autour du thème « Construire des systèmes résilients pour un accès accru à une éducation inclusive, de qualité et pertinente en Afrique ». Cet événement continental a permis de développer cinq axes thématiques spécifiques, comme lors de ses deux premières éditions. Ces axes incluent l’accès équitable à l’éducation, le perfectionnement des enseignants, l’éducation de la petite enfance, la gestion axée sur les données, ainsi que les programmes de formation et le leadership.

Bien que l’axe thématique relatif à l’accès équitable à l’éducation ait réuni le plus grand nombre de communications (44 sur 94), deux autres axes ont particulièrement concentré les débats lors de deux sessions parallèles ayant réuni les décideurs et praticiens de l’éducation des pays des Centres KIX21 et KIX19. Il s’agit des thèmes concernant le perfectionnement des enseignants et les programmes d’étude. Ces deux thèmes ont, au cours de ces sessions auxquelles j’ai eu la chance d’assister, suscité des discussions captivantes et interpellantes. Ces discussions ont d’ailleurs permis de montrer à quel point la formation des enseignants et les programmes de formation se trouvent enchevêtrés dans les processus de conception et de mise en œuvre des politiques éducatives (Bouvier, 1999: Iucu, 2006).

Les priorités de politiques éducatives soulevées par le symposium d’Addis Abeba

Les participants aux deux sessions ci-haut mentionnées, comprenant les principaux concepteurs pédagogiques dans leurs pays (Secrétaires généraux, Conseillers techniques, Conseillers pédagogiques, Inspecteurs pédagogiques), ont notamment soulevé la question de la formation à l’enseignement des langues nationales, compte tenu de la diversité linguistique et des perceptions populaires concernant ces langues comparées aux langues officielles. La question de la formation des enseignants en technologies éducatives, et plus particulièrement en intelligence artificielle, a également été soulevée. Celle-ci a mis en lumière le dilemme auquel sont confrontés les systèmes éducatifs africains : d’une part, les enjeux globaux liés aux avancées technologiques et à la formation de l’individu universel vers lesquels ils sont appelés ; d’autre part, les défis locaux relatifs aux déficits sociotechniques, pédagogiques et économiques auxquels ils doivent répondre. De plus, les besoins en renforcement des capacités des enseignants pour promouvoir l’inclusion éducative et faire face à des situations d’urgence ont été discutés. Autour de ces deux derniers sujets, les questions débattues ont été particulièrement captivantes, sachant qu’en Afrique, un enfant sur dix est en situation de handicap et plus de 47 millions d’enfants sont actuellement déplacés en raison de conflits.

Ces questions ne se limitent pas à la formation des enseignants, mais touchent également les programmes de formation, dont les participants ont souligné les enjeux cruciaux d’adaptabilité et d’efficacité. Or, une réforme des programmes qui prend en compte les questions ci-haut présentées, équivaut à matérialiser une diversité d’enjeux aux objectifs parfois différents, au point où une démarche peu structurée risque non seulement de susciter de nouvelles interrogations, mais aussi de fragiliser davantage ces programmes en les rendant instables, inadaptés ou vulnérables aux pressions extérieures (Dupriez, 2002). Quels types de révision de programmes de formation faut-il donc envisager de façon à prendre en compte ces différentes questions, tout en plaçant les enseignants au cœur de ce processus ?

Au-delà du symposium 2024, poursuivre les réflexions sur les enseignants et les programmes

Si nous tenons compte des questions soulevées par les politiciens et praticiens de l’éducation lors de ce dernier symposium, la formation des enseignants et les programmes d’étude nécessitent une attention particulièrement approfondie.

Focaliser les réflexions de politiques éducatives sur ces sujets peut servir de point de convergence des différents enjeux du GPE-KIX. Premièrement, cela permet de constater les résultats des symposiums précédents en termes de mise en œuvre des leçons apprises et d’ouvertures des perspectives innovantes concernant le renforcement des capacités des enseignants, l’éducation inclusive et la résilience des systèmes éducatifs. Simultanément, cela met en évidence les priorités stratégiques du GPE-KIX, qui incluent l’amélioration de l’équité et de l’inclusion, l’apprentissage de qualité, la durabilité des systèmes éducatifs, l’innovation et la recherche, et le système de gestion de données. Parallèlement, cette perspective réflexive offre des moyens pour aborder les défis spécifiques des pays du KIX 19 et du KIX 21 dans le domaine de l’éducation, tels que la fracture numérique, la pauvreté et les inégalités, la gestion des conflits et flux migratoires, la scolarisation des réfugiés et déplacés, tout en orientant l’attention vers les défis mondiaux comme l’intelligence artificielle, le marché du travail et les compétences du 21e siècle.

En intégrant ces réflexions, les politiques éducatives en Afrique pourraient bénéficier de manière plus efficiente des propositions élaborées de manière collaborative par les principaux acteurs des réformes éducatives lors d’un symposium continental consacré à l’éducation. Prendre en compte ces propositions en des termes politiques fournira en outre des pistes de décision et d’action qui feront des enseignants et des programmes les leviers de la transformation éducative en Afrique.

Biographie de l’auteur
Emmanuel Béché est un professeur des technologies éducatives à l’Université de Maroua et un lauréat de nombreuses distinctions académiques, dont le Prix ADEA du Meilleur chercheur Africain émergent en éducation et le Prix Louis D’Hainaut de la meilleure thèse en technologies éducatives. Boursier du Commonwealth, d’Erasmus Mundus, d’Issachar Fund, de la Confédération suisse et de l’Académie pilote postdoctorale africaine, il est le premier Africain à recevoir la Jacobs Foundation research fellowship. Ses recherches se concentrent sur l’appropriation des TIC par les apprenants, en mettant en valeur la nature contextualisée, différenciée et détournée de ce processus.